De la cour voisine, on aperçoit déjà la verdure luxuriante de la
cour-jardin du palais Giustinian dalle Zogie.
Calle Giustinian qui sépare les deux palais Giustinian
Cour pavée (voir le billet de Fausto)
« L’espace même du jardin se situe dans l’axe de la porte donnant sur l’eau, et de la vaste cour pavée qui s’ouvre également sur la ruelle qui sépare les deux palais jumeaux. Sur la petite place des Squellini, un lierre touffu, prélude à une végétation exubérante, déborde du mur d’enceinte et attire le regard des promeneurs pressés. Dès qu’elle fut en sa possession, la famille Brandolini agrandit le palais en prolongeant la grande cour pavée par un luxuriant bosquet d’arbres, planté sur un terrain obtenu grâce à la démolition de maisons voisines. […] Quand on entre par la rue, le feuillage des lauriers-roses forme une grande arcade dans la cour rectangulaire. Deux statues ailées, s’inclinant vers les parterres surélevés de part et d’autre de la porte, ajoutent une touche de raffinement à la sobriété et à l’élégance de l’ensemble. […] Selon le désir des propriétaires, une partie de l’ancien bosquet a laissé place à un extraordinaire parterre de buis. Ses volutes dessinent des cœurs dont les vertes palpitations montent vers les fenêtres du palais, qui offrent une vue plongeante sur le jardin. […] Ce jardin monochrome joue sur toutes les nuances que la nature a mises à sa disposition: le vert sombre du buis, tendre de la glycine, lumineux des troènes, piqueté des aucubas – une symphonie de couleurs qui s’embellit encore à l’automne, lorsque la vigne vierge enflamme le jardin de ses tons rougeoyants. » (p.20, Jardins secrets de Venise)
« Un jardin fascinant se cache derrière la façade élégante du palais Giustinian dalle Zogie. Le mérite en revient surtout au comte et à la comtesse Brando et Cristiana Brandolini d’Adda, dont la famille est propriétaire de cet extraordinaire édifice depuis 1876. Il s’agit d’un jardin à l’aménagement récent, mais dont la réputation s’est faite grâce à la passion dont il fut l’objet, aux choix stylistiques qui ont guidé sa conception et aux soins dont il n’a jamais cessé de bénéficier. […] Les splendides arabesques de buis du palais ont été sculptées par la main d’un artiste. […] (p.16) Des fenêtres du palais, on domine la masse abondante des arbres qui enchâssent les volutes du parterre […]. (p.19, Jardins secrets de Venise) »
Le jardin, espère de petit bois, de petite forêt, dont le centre présente un parterre de buis taillé, entouré de petits sentiers. On y accède en montant quelques marches car il a été aménagé sur un terrain surélevé afin de protéger les plantes contre l’acqua alta.
Le jardin est encadré par la jolie petite cour pavée que nous a montrée Fausto il y a quelques jours, un haut mur qui longe la calle Giustinian et qui sépare les deux palais Giustinian et au bout de laquelle se trouve une porte d’eau commune au deux palais, l’autre bout débouche sur le campiello dei Squellini, la calle del Bezzo de l’autre côté le palais côté Grand Canal et un ensemble de maisons à l’autre extrémité du jardin.
Balcon donnant sur le Grand Canal
Vue du balcon
Terrasse sur les toits du palais. « Pour accéder à ce lieu magique, on grimpe un escalier de fer en colimaçon, couleur ivoire. Il part de la salle de séjour de l’élégant appartement du comte Brandino et de la comtesse Marie Brandolini d’Adda, au dernier étage du palais. […] Le jardin est un espace extraordinaire, ceint d’épais murets qui servent également à délimiter les différentes parties de la terrasse. » (p. 167, Jardins secrets de Venise)
À propos du palais.
Ensemble composé de deux palais jumeaux de style gothique datant de la moitié du XVe siècle et attribués à Bartolomeo Bon. Celui de gauche, demeure privée, est le palais Giustinian dalle Zogie, aujourd’hui connu sous le nom de Giustinian-Brandolini d’Adda; celui de droite, aujourd’hui propriété de l’université Ca’Foscari, est le palais Giustinian dei Vescovi. Au courant du XIXe siècle, il fut acheté par Natale Schiavoni (peintre, Chioggia 1777- Venise 1858) qui y installa une belle collection de tableaux de grands maîtres tels que Giorgione, Bonifacio, Sebastiano del Piombo, Tiziano, Veronese, Mantegna entre autres et son atelier.
Richard Wagner y séjourna durant 7 mois d’août 1858 à mars 1859.
« En ce temps-là, Wagner habitait le palais Giustiniani, demeure gothique du XVe siècle dominant le Canale Grande. Comme toujours à Venise, la splendeur extérieure des façades dissimulait des appartements humides, défraîchis, meublés de bric, de broc, de brocante, mélange de luxe râpé et d’inconfort prestigieux. « Tout était un peu déglingué », confiera le compositeur, séduit par les mosaïques du sol, la richesse des plafonds peints, mais contraints de s »aménager une niche dans un coin avec un lit-cage en fer encadré de tenture cramoisie. Quand le piano à queue aura rejoint son maître, le lieu offrira malgré tout la solitude requise pour la lutte avec l’ange de la musique. C’est là, au cours d’une nuit d’insomnie provoquée par divers tourments physiques, à l’heure où l’angoisse le saisissait durement à la gorge, qu’il entendra depuis son balcon l’appel mélancolique des gondoliers, dont devait surgir la phrase mélodique inoubliable du troisième acte de Tristan. » (p.168-169 Marc Alyn, Le Piéton de Venise)
Il écrira à Mathilde Wesendonck peu après son départ de Venise : « Et Venise m’apparaît déjà comme un rêve enchanté. Vous entendrez un jour mon rêve, que j’ai mis en musique là-bas. »
Description de l’appartement qu’il loue : « a big drawing room… with a… splendid mosaic floor, and what is bound to be glorious resonance for the Erard (his piano)... The folding doors between the huge bedroom and a little cabinet had to be removed at once, and portieres took their place... The color had to be red this time, as the rest of the furniture was already only the bedroom is green. An immense hall... on one side it has a balcony over the canal, on the other it looks onto the courtyard with a little well-paved garden. »
« Là, je trouvai des pièces immenses dont on me dit qu’elles resteraient toutes inhabitées ; j’y louai donc une grande salle imposante avec une vaste chambre attenante, et, le soir du 20 août, je me dis qu’à présent j’habitais à Venise. […] Ces tracas domestiques étaient le prix de mon bonheur quand, de mon balcon, admirant le merveilleux canal, je me disais que je voulais achever ici le Tristan. […] Enfin, mon Erard arriva ; on le plaça au milieu de la grande salle et, dès lors, je pus affronter la merveilleuse Venise. » Richard Wagner, Mein Leben, 1865-80.
Y a également séjourné William Dean Howells, consul américain à Venise (1861-1865) et auteur notamment de Venetian Life dont voici un extrait:
« The last of four years which it was our fortune to live in the city of Venice was passed under the roof of one of her most beautiful and memorable palaces, namely, the Palazzo Giustiniani [...].
The family grew in riches and renown from age to age, and, some four centuries after the marriage of the monk, they reared the three beautiful Gothic palaces, in the noblest site on the Grand Canal, whence on one hand you can look down to the Rialto Bridge, and on the other far up towards the church of the Salute, and the Basin of Saint Mark. The architects were those Buoni, father and son, who did some of the most beautiful work on the Ducal Palace, and who wrought in an equal inspiration upon these homes of the Giustiniani, building the delicate Gothic arches of the windows, with their slender columns and their graceful balconies, and crowning all with the airy battlements. [...]
The other branch of the family was called the Giustiniani of the Jewels, from the splendor of their dress; but neither palace now shelters any of their magnificent race. The edifice on our right was exclusively occupied by a noble Viennese lady, who as we heard, —vaguely, in the right Venetian fashion,—had been a ballet-dancer in her youth, and who now in her matronly days dwelt apart from her husband, the Russian count, and had gondoliers in blue silk, and the finest gondola on the Grand Canal, but was a plump, florid lady, looking long past beauty, even as we saw her from our balcony.
Our own palace—as we absurdly grew to call it—was owned and inhabited in a manner much more proper to modern Venice, the proprietorship being about equally divided between our own landlord and a very well known Venetian painter, son of a painter still more famous. This artist was a very courteous old gentleman, who went with Italian and clock-like regularity every evening in summer to a certain caffè, where he seemed to make it a point of conscience to sip one sherbet, and to read the "Journal des Débats." In his coming and going we met him so often that we became friends, and he asked us many times to visit him, and see his father's pictures, and some famous frescos with which his part of the palace was adorned. It was a characteristic trait of our life, that though we constantly meant to avail ourselves of this kindness, we never did so. But we continued in the enjoyment of the beautiful garden, which this gentleman owned at the rear of the palace and on which our chamber windows looked. It was full of oleanders and roses, and other bright and odorous blooms, which we could enjoy perfectly well without knowing their names; and I could hardly say whether the garden was more charming when it was in its summer glory, or when, on some rare winter day, a breath from the mountains had clothed its tender boughs and sprays with a light and evanescent flowering of snow. »
Bibliographie (toutes les images de ce billet proviennent de ces livres à l’exception des 2 premières)
The Gardens of Venice texte de Mary Jane Pool et photographies d'Alessandro Albrizzi, éditions Rizzoli, p.142-149.Giardini segreti di Venezia, Arsenale Ed., p. 56-57, 99-101, 145-146.
Jardins secrets de Venise, Flammarion, p.16-21 et 167-171.
L’Art de vivre à Venise, Frédéric Vitoux, p.76, 92, 136, 137 et 139.
Un merveilleux billet qui me donne encore envie de retourner là-bas pour découvrir les jardins secrets de Venise !
RépondreSupprimerMerci Anna Livia !
Joyeuses Pâques!
À quelle agréable promenade tu nous a conviée ! Elle nous donne un goût de soleil. Merci AnnaLivia et bonne journée.
RépondreSupprimerJe ne connais pas ces jardins vénitiens et ce billet me donne envie d'en apprendre plus !
RépondreSupprimerEtonnant !
RépondreSupprimerChe giardino splendido. Un vero luogo dei sogni. Buona Pasqua, Tiziana
RépondreSupprimerL'âme de ce jardin est dans tes images. Tes photos en disent plus que les textes qui les accompagnent.
RépondreSupprimerLe scorpion de la grille m'intrigue...
Joyeuses Pâques Anna Livia
Enitram: Venise est pleine de jardins cachés, souvent inaccessibles, mais il peut nous arriver en passant au bon moment de pouvoir en apercevoir des bouts au moment où une porte s'ouvre ou juste avant qu'elle ne se ferme, parfois une gentille dame vous fera visiter... La Biennale est une occasion de pouvoir en visiter plusieurs, ainsi que des palais qui ne sont généralement pas accessibles en temps normal. Elle débute d'ailleurs début juin!
RépondreSupprimerDo: Merci, on en a grandement besoin si tu vois ce que je veux dire...
Gine: Je te conseille les livres cités à la fin du billet pour en apprendre plus sur le sujet. Ils sont superbes!
Magnolia: Venise est pleine de surprises ; )
Tiziana: Veramente! Buona Pasqua anche e te! Ciao, a presto!
Tilia: Le scorpion est un motif appartenant aux armoiries de la famille Brandolini d'Adda.
Bon weekend et joyeuses pâques!
Il est l'un des plus beaux jardins cachés de Venise!
RépondreSupprimerhttp://twitter.com/#!/L_altra_venezia/status/62455271313784832e
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