Promenade dans le sestier de San Polo. Ponte Storto, celui qui passe sur le rio San’t Aponal, un petit coin que j’aime beaucoup et que je vais revoir à chacun de mes voyages à Venise. Le joli pont, puis le sottoportego del Banco Salviati, calle Stretta, campiello Albrizzi, calle Albrizzi. Rio terà delle Carampane, tout au bout, une autre vue de mon ponte Storto et de jolies patères. Je reviens sur mes pas, j’aperçois une calle à peine plus large que la largeur de mes épaules et je décide d’aller voir ce qui se trouve au bout. La minuscule corte della Raffineria.
Sottoportego del Banco Salviati
Rio terà delle Carampane
"À propos des deux cariatides féminines en pierre d'Istrie qui ornent la haute grille donnant sur le rio terà de le Carampane, on dit qu'elles auraient été sculptées en prenant pour modèle la comtesse Isabella Teotochi." (p.314 Veneziaenigma d'Alberto Toso Fei)
Isabella Teotochi Albrizzi par ÉlisabethVigée-Le Brun
Je reviens au rio terà delle Carampane puis je continue jusqu’à la fondamenta delle Tette, un coup d’œil à gauche au-dessus du rio de San Cassiano : une passerelle aérienne va d’un palais jusqu’à ce qui semble être un jardin. Ça me rappelle quelque chose… Corto Maltese, je suis certaine d’avoir vu ce lieu dans le livre des balades de Corto. La chose sera vérifiée à mon retour.
Campiello Albrizzi
Tête d'obus, vestige de la Première Guerre Mondiale, encastrée dans un des murs du palais accompagnée d'un texte de Gabriele d'Annunzio
Façade du palais côté campiello Façade côté rio
« Les Albrizzi, négociants enrichis admis au patriciat en 1667, voulurent eux aussi rénover l’intérieur de leur palais de San Cassiano [palais qu’ils ont progressivement acheté de 1648 à 1692, ainsi qu’une rangée de maisons qu’ils ont fait détruire afin de libérer de l’espace côté terre créant ainsi le campiello Albrizzi] au début du XVIIIe siècle. Ils firent appel à Abbondio Stazio, artiste renommé pour son extraordinaire virtuosité de stucateur.[…] Stazio recouvrit entièrement de stucs toute la surface de la longue pièce. L’effet produit par cet incroyable fouillis de concrétions est celui d’une étourdissante horreur du vide. Stuc laiteux, ductile, imperceptiblement luminescent grâce à laprésence de poussière de marbre dans le plâtre. » (p.230 dans Venise baroque)
Du grand salon s’élance la fameuse passerelle qui mène au très secret jardin, de l’autre côté du rio, où s’élevait jadis le teatro San Cassiano, premier théâtre d’opéra public (c’est-à-dire payant) d’Europe. « L’aventure du beau jardin Albrizzi est à cet égard exemplaire. À son origine, il n’y a rien. Rien de naturel en tout cas. À son emplacement se dressait un théâtre […]. On y joua du Monteverdi et plus tard du Cavalli… Et le théâtre brûla, fut reconstruit, tomba en ruines avant d’être acheté en 1820 par la famille Albrizzi dont le palais se dresse de l’autre côté du rio San Cassiano. Désormais n’allaient des jouer à son emplacement, littéralement, que d’uniques représentations florales pour le seul et jaloux bénéfice des Albrizzi qui firent construire à sa base une sorte de tour-escalier néo-gothique puis une passerelle pour le relier au piano nobile de leur palais. […] Mais quel jardin, délicieux, exotique, enfoui sous les feuillages, avec des yuccas d’origine américaine, des magnolias exotiques, des fougères disséminées entre des rochers,des bassins où frétillent des poissons rouges, une pergola enfouie sous les glycines… » (p.136 et 142 L’Art de vivre à Venise, Frédéric Vitoux) Je ne suis pas parvenue à trouver de photos de ce mystérieux jardin, mais je ne désespère pas…
C’est notamment dans le palais Albrizzi qu’Isabella Teotochi Albrizzi, que Byron avait surnommée la « Mme de Staël vénitienne », tint son fameux salon littéraire au début du 19e siècle. Elle y reçut Pindemonte, Alfieri, Byron, Foscolo et Canova exécuta pour elle, en 1812, une tête d’Hélène conservée dans le palais. J’ignore si elle s’y trouve encore de nos jours.
Rio San Cassiano
Passerelle
Salon duquel s'élance la passerelle (non, je n'y suis pas entrée, la photo est extraite du livre Intérieurs vénitiens)